Depuis que tu avais passé le pas de la porte, tu n'arrivais pas à éviter ton reflet. Tu voyais tout à coup les défauts de ton corps. Ton ventre te paraissait si gros, pourtant, personne ne pourrait remarquer la « protubérance » sur laquelle ta main est posée. Tout ça parce qu'IL t'avais fait passer par la caisse femmes enceintes pour gagner trois places à walmark et que personne n'avait réagit. Tu t'es alors senti énorme, alors qu'il y avait peut être une raison à ce silence. Peut être qu'une femme enceinte avait fait un scandale peu de temps avant ton arrivée parce que son ventre n'était pas assez développé pour prouver qu'elle portait un enfant. Alors, la caissière a préféré ne rien dire. Ni les autres clients. Ou alors, ils ont l'habitude de voir des femmes enceintes sans ventre. Quoiqu'il en soit, tu restes fixé sur ça alors qu'Il arrive dans ton dos et qu'il pose une main tendre sur ton épaule. « Tu es magnifique. » Tu l'écoutes d'une oreille, les larmes aux yeux. Tu n'as pas envie de tout changer dans ton quotidien. Tu devais aller à Malte, ce sera impossible maintenant, puisque l'avion t'es prohibé ! « Je suis énorme. » Il éclata de rire, comme si tu venais de dire une blague particulièrement comique, et cela te vexa. Un peu. Il déposa un baiser dans ton cou et frotta son nez sur ta peau. Tu as en horreur les démonstrations d'amour. Tu te décales, et tu poses ta main sur ton front. « Tu es parfaite Sibel, et tu n'as pas pris un seul kilo. » Directement, tu files mettre ton nez dans le frigo, tu cherchais à manger pour remplir ton ventre affamé. Rien qui t'attires, et tu te souviens du pain au chocolat aux amandes qui t'attends dans le sachet sur la table basse. Tu l'attrape et le mangea avec un sourire étrange. Un mélange de folie et de plaisir. Les hormones te détruisaient. Detruisaient ta morale et tes habitudes. Ca te fatiguait et ça t'agaçait. Pourquoi avoir cet enfant dans son ventre ? Il n'avait rien à faire là. « Tu as des idées de prénoms ? » Tu releva doucement la tête, comme pour vérifier si tu avais bien compris. Dans les « familles » ordinaires, c'était la femme qui motivait l'homme pour parler bébé. Mais là, de toute évidence, c'était Travis et non toi, Lucy, qui cherchait à aborder le sujet. « Je ne sais pas. » Il s'installa sur le canapé, et il te prit dans ses bras. « Moi, j'ai déjà pleins d'idées, Bell. Que penses-tu de Matt, si c'est un garçon ? » Ton regard se fit sombre. « Hors de question. » « Pourquoi ? Tu n'aimes pas ? » Tu hocha la tête, plus simple que de se lancer dans des explications savantes qui te donnerais mal à la tête. « Alors, pour une fille... Aelys ou Esmée. » Tu éclata de rire. « Pauvre gamine ! » Il fronça les sourcils et tu posa ta main sur ta bouche comme pour t'excuser de ta réaction. « Alors, un mélange des deux ? Aesmée ? » Tu hochas la tête négativement. « Affreux. Lysmée, oui. » Il semblait réfléchir. « Lysmée serait parfait. Sibel, Lysmée et Travis. Une jolie famille. » Et là, tu t'es maudite, quelle idée avais-tu eu de te mettre en couple avec Travis, qui était amoureux de toi depuis des années, et quelle idée eu-tu de tomber enceinte. Tu ne voulais pas mais c'était trop tard, et pour le bien de ton enfant, tu devais rester auprès de lui. « Oui, ça sera une fille. Une jolie Lysmée. » Et te voilà, te forçant à sourire, ton enfant te donnait un masque. Ou était-elle, la brûlante Sibel dont les coups de colères faisaient trembler la terre ? Ou est-elle, la glaciale fille qui ne laissait aucunes chances au discours ? Disparue, envolée, pour laisser place à un minuscule être au fond de son ventre. Elle n'était pas voulu, et elle n'était pas encore parfaitement aimée, mais on s'occupait d'elle, et tu étais persuadée qu'elle en était heureuse. Tu levas les yeux sur ton compagnon d'infortune qui lui, avait les yeux dans le vague, perdu dans son paradis où sa Lysmée gambadait sans soucis dans l'herbe fraîchement tondu d'une maison de style victorienne. Vous seriez heureux, mais tu ne voyais pas cela comme ça. Lysmée était une matérialisation de la perte d'une liberté à peine entrevue. Ça te faisait mal de te dire ça, et chaque nuit, quand tu te retournais dans ton lit, tu culpabilisais parce que tu ne te sentais pas mère. Pauvre enfant, pensais-tu, tu hésitais même sur l'idée de le garder ou non. Mais il avait un père, et une mère malgré elle. Travis était désormais avec toi, Sibel, et tu n'avais plus le choix de changer d'avis. Travis habitait dans ton appartement -hors de question que tu déménages- et il avait fait toute la chambre de ton enfant. De Votre enfant. C'était fini, Sibel, voilà deux mois qu'il est en toi, ce bébé, quelques semaines que tu le sais. Ca te retourne mais c'est ainsi. Ne t'inquiètes pas, tu peux y arriver. Et puis, même s'il n'est pas celui que tu espérais, tu as Travis.