Tu ne sais si tu es inquiet, furieux, ou un peu des deux. Tu n'en peux plus, de cette situation. Toujours à te demander où elle est, si elle a besoin d'aide. Cela fait des heures, qu'elle devrait être rentrée. Il est tard, si tard. La nuit est tombée depuis bien longtemps. Elle n'était pas chez vous. Avec elle, tu ne sais jamais s'il s'agit d'insouciance, d'une soudaine envie d'évasion après une vie régie par les obligations. Sa manière d'agir te rappelle celle d'une adolescente en pleine crise existentielle, souhaitant aller au-delà des règles. Mais, les enjeux sont tellement importants. Tu te demandes si elle y pense, à ces choses-là. En attendant, tu te ronges les sangs, toi qui parcourt la ville en voiture. Tu t'es rendu au Karen's Café. Puis, au Tric. Tu ne l'y as pas trouvée. Cela ne lui ressemble pas. Tu finis par connaître les habitudes d'Ana. Soit, elle ne souhaite pas que tu la retrouves, soit il lui est véritablement arrivé quelque chose. Tu l'ignores, et même si la seconde solution est bien moins probable, elle n'est pas nulle. Et, cela t'effraie. Pas seulement parce que tu as promis de veiller sur sa sécurité. Mais parce que, l'homme que tu es ne veut pas qu'il lui arrive quelque chose. Alors, tu roules, depuis un long moment, déjà. Regardant de chaque côté de la route, à l'affût de la moindre silhouette pouvant correspondre à celle de ta Ana. Seulement alors, tu aperçois la plage. Tu arrêtes la voiture. Tu préfères en avoir le cœur net, vérifier par toi-même son absence. L'air marin te fait du bien. Tu ressens comme une forme d'apaisement, cela te calme. Tu te sens plus serein, moins inquiet. Tu as toujours aimé la mer. Passionnément, inconditionnellement. Un peu comme tu aimes Ana. La différence étant que cet amour-là, tu ne sais pas l'assumer. Alors, tu la vois. Assise en tailleur dans le sable. Le visage impassible, fermé. Tu soupires. Tu te sens soulagé, tout simplement. Alors, lentement, doucement, tu t'assieds à côté d'elle. Étrangement, tu te sens bien, ici, au point que tu ne songes pas à rentrer tout de suite. « Est-ce que ça va ? » demandes-tu. Ton regard semble fixé au rivage. Tu peux entendre le son des vagues. Tu le trouves réconfortant. « Je m'inquiète pour toi. Je ne me souviens pas t'avoir vue ainsi. » Calme, un brin mélancolique. Tu ne sais pas vraiment ce à quoi tu dois t'attendre.